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Placé sous la direction du chef Gianandrea Noseda, l'Orchestre national de France interprète le poème symphonique Prometheus, composé par Franz Liszt en 1850.
En 1802, quelques mois avant sa mort à cinquante-neuf ans, le poète, théologien et philosophe Johann Gottfried Herder présenta son drame Der entfesselte Prometheus (« Prométhée délivré »), mêlant récits mythologiques (dans la continuité de l’antique Prométhée enchaîné d’Eschyle, dont il subsiste les fragments d’un Prométhée délivré), mais aussi références chrétiennes. « Le Prométhée herdérien n’est nullement le révolté des heures tumultueuses du Sturm und Drang, mais le symbole de l’homme désireux de se libérer de lui-même, de se dépasser vers une perfection toujours plus haute. Il n’est pas davantage une abstraction, mais un personnage bien individualisé, malgré sa portée allégorique : l’antique Titan respire bien, dans l’âme de Herder, un souffle nouveau », écrit Raymond Trousson.
Maître de chapelle à la cour de Weimar depuis deux ans, Liszt fut chargé en 1850 d’écrire la musique de scène d’une unique représentation de cette pièce. Il composa les principaux motifs musicaux au printemps, et en confia pendant l’été à son secrétaire Joseph Joachim Raff l’assemblage et l’orchestration. Outre la partie instrumentale, des chœurs faisaient entendre moissonneurs, vignerons, océanides, tritons, naïades et autres créatures des mondes souterrains. Liszt fera publier séparément ces chœurs en 1855 (ils connaîtront un grand succès jusqu’à la fin du XIXe siècle, et on peut les entendre dans un enregistrement Hungaroton de 1972). Après l’ajout de sa touche finale, Liszt dirigea lui-même les musiciens le 24 août 1850, et une statue de Herder, toujours visible sur la Herderplatz de Weimar, fut inaugurée.
De 1852 à 1854, Liszt retravailla son œuvre en retirant les parties chorales, pour en faire son cinquième poème symphonique, sous le titre Prometheus. De nouveau, il se chargera d’en diriger la création, cette fois à Brunswick, le 18 octobre 1855. Une comparaison de la musique de scène et du poème symphonique montre pour la première une « version Raff » harmoniquement plus dissonante, mais pour le second une « version Liszt » rythmiquement plus agressive. Rappelons que le Titan Prométhée, ayant volé le feu aux dieux de l’Olympe pour le donner aux hommes, fut condamné à être enchaîné à un rocher, son foie étant déchiqueté par un aigle. L’organe reprenant forme chaque lendemain, le supplice recommençait perpétuellement. Ce sont ces souffrances que Liszt évoque au début de la partition avec empilement de quartes, chromatismes, thèmes saccadés, accords sombres. Puis une fugue (la partie la plus travaillée de l’œuvre) exposée par les cordes, ouvre le développement de ce qui s’apparente à une forme sonate. Ce sont les cors qui feront apparaître le motif de la rédemption du héros libéré de ses entraves par Héraclès.